Lettres sur le Yoga

Lettres sur le Yoga, Première Partie

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Table des matières:

Première Partie

  1. L’évolution supramentale
  2. Yoga intégral et autres sentiers
  3. Religion, morale, idéalisme et yoga
  4. Raison, science et yoga

Deuxième Partie

  1. Plans et parties de l’être
  2. Les pouvoirs divins et les pouvoirs hostiles
  3. Le principe de l’Avatâr
  4. Renaissance
  5. Destin et libre arbitre, karma et hérédité, etc.

Troisième Partie

  1. Le but du yoga intégral
  2. Méthode synthétique et yoga intégral
  3. Les conditions requises pour la sâdhanâ
  4. Les bases de la sâdhanâ
  5. La sâdhanâ par le travail
  6. La sâdhanâ par la méditation
  7. La sâdhanâ par l’amour et la dévotion

Quatrième Partie

  1. Les relations humaines dans le yoga
  2. La sâdhanâ à l’Ashram et dans le monde
  3. Expériences et réalisations
  4. Visions et symboles
  5. Expériences de la conscience intérieure et de la conscience cosmique

Cinquième Partie

  1. La triple transformation : psychique, spirituelle et supramentale
  2. La transformation du mental
  3. La transformation du vital

Sixième Partie

  1. La transformation du physique
  2. La transformation du subconscient et de l’inconscient
  3. Les difficultés du chemin
  4. L’opposition des forces hostiles

Excerpt from Part Two, Chapter 1

Le psychique n’est pas, par définition, la partie qui est en contact direct avec le plan supramental, bien qu’il soit le plus prompt à y répondre une fois que le lien avec le Supramental est établi. La partie psychique en nous est quelque chose qui vient directement du Divin et qui est en contact avec le Divin. Dans son origine, c’est le noyau fécond en possibilités divines qui sert d’appui à cette triple manifestation inférieure du mental, de la vie et du corps. Cet élément divin est là dans tous les êtres vivants, mais il se tient caché derrière la conscience ordinaire; au début, il n’est pas développé et même lorsqu’il l’est, il n’est pas toujours ou pas souvent au premier plan; il s’exprime au moyen de ses instruments et selon leurs limites, dans la mesure où leur imperfection le lui permet. Il grandit dans la conscience par l’expérience qui mène vers le Divin; il prend de la force chaque fois qu’il y a en nous un mouvement supérieur et enfin, par l’accumulation de ces mouvements plus profonds et plus élevés, une individualité psychique se forme ­ celle que nous appelons généralement l’être psychique. C’est toujours cet être psychique qui, en réalité, bien que souvent d’une façon voilée, pousse l’homme à se tourner vers la vie spirituelle, et qui devient alors sa plus grande aide. Par conséquent, c’est cela, dans le yoga, que nous devons amener en avant.
Le mot “soul” [âme], tout comme le mot “psychic” [psychique], a, dans la langue anglaise, un emploi très vague et de nombreuses significations différentes. Dans le langage ordinaire, on a trop souvent tendance à ne pas faire une claire distinction entre le mental et l’âme et il se fait souvent une confusion plus grave encore: c’est en effet de l’être vital de désir ­ de la fausse âme ou âme de désir ­ que l’on parle lorsqu’on emploie les mots “âme” et “psychique”, et non de l’âme vraie, de l’être psychique. L’être psychique est tout à fait différent du mental ou du vital; il se tient derrière eux, là où ils se joignent dans le coeur. C’est là qu’est sa place centrale, mais derrière le coeur plutôt qu’au-dedans de lui; car ce que les hommes appellent d’ordinaire le coeur est le siège de l’émotion, et les émotions humaines sont des impulsions mentales-vitales qui n’ont pas, en général, un caractère psychique. Ce pouvoir profondément secret qui se tient derrière ­ autre que le mental et la force de vie ­ est l’âme vraie, l’être psychique en nous. Le pouvoir du psychique peut néanmoins agir sur le mental, le vital et le corps, purifiant la pensée, la perception et l’émotion (qui devient alors le sentiment psychique), la sensation, l’action et toutes choses en nous, et les préparant ainsi à devenir des mouvements divins.
L’être psychique peut être décrit, en langue indienne, comme le Pourousha dans le coeur ou Chaïtya Pourousha; mais il faut entendre par là le coeur intérieur ou secret, hridayé gouhâyâm, non le centre extérieur vital et émotionnel. C’est la véritable entité psychique (distincte du mental de désir du vital) ­ la psyché ­ dont il est question dans la page de l’Arya à laquelle vous vous référez.

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Dans les anciens systèmes, l’être psychique était appelé le Pourousha dans le coeur (le coeur secret ­ hridayé gouhâyâm), ce qui correspond très bien à ce que nous définissons comme l’être psychique derrière le centre du coeur. C’est aussi ce qui sortait du corps à la mort et subsistait ­ ce qui correspond également a notre enseignement, selon lequel c’est cela qui part et revient, reliant une nouvelle vie à la précédente. Nous disons aussi que le psychique est la parcelle divine en nous; de même, le Pourousha dans le coeur est décrit quelque part comme l’Îshwara de la nature individuelle.
Le mot âme est utilisé très vaguement en anglais, car il désigne souvent l’ensemble de la conscience non physique, y compris même le vital avec ses désirs et ses passions. C’est pourquoi l’expression être psychique a dû être utilisée pour distinguer cette parcelle divine des parties instrumentales de la nature.

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Apparemment, X supposait que par l’expression “être psychique”, je désignais l’ego illuminé. Mais les gens ne comprennent pas ce que je veux dire par être psychique, parce que le mot psychique a été utilisé en anglais pour désigner n’importe quoi dans le mental intérieur, le vital intérieur ou le physique intérieur, ou tout ce qui est anormal, ou occulte, ou même les mouvements plus subtils de l’être extérieur, tout cela mélangé: les phénomènes occultes sont souvent qualifiés de psychiques. On ne sait pas distinguer ces différentes parties de l’être. Même en Inde, l’ancienne connaissance des Oupanishad qui faisait cette distinction s’est perdue. Le Jivâtman, l’être psychique (Pourousha Antarâtman), le Manomaya Pourousha, le Prânamaya Pourousha, tout cela est confondu.

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Je ne sais pas ce que signifie exactement cette expression ­ elle est trop vague et limitée pour être une définition du psychique. Antah-karana signifie habituellement le mental et le vital par opposition au corps, le corps étant l’instrument extérieur et manah-prâna l’instrument intérieur de l’âme. Par psychique, je désigne autre chose qu’un mental et un vital purifiés. Un mental et un vital purifiés sont le résultat de l’action de l’être psychique éveillé et libéré, mais ne constituent pas eux-mêmes le psychique.
De même, cela dépend de ce qu’on entend par ahambhâva. Mais le psychique n’est pas un bhâva. C’est un Pourousha. Ahambhâva est une formation de Prakriti, ce n’est pas un être ou un Pourousha. Ahambhâva peut disparaître, et cependant le Pourousha sera là.
J’appelle être psychique libéré celui qui n’est plus obligé de s’exprimer de derrière le voile, dans les conditions imposées par les instruments obscurs et ignorants, mais qui est capable de venir en avant, de maîtriser et de transformer l’action du mental, de la vie et du corps.
Si l’on dit peut-être quelquefois que l’être psychique est purifié et rendu parfait, on doit désigner par là l’action psychique dans les instruments du mental, de la vie et du physique. Par être intérieur purifié, on n’entend pas un psychique purifié, mais un être intérieur mental, vital et physique purifié. Les qualificatifs que j’ai utilisés pour le psychique sont “éveillé et libéré”.
Individualité spirituelle est un terme plutôt vague qui pourrait être interprété de différentes façons. J’ai écrit, à propos de l’être psychique, que le psychique est l’âme ou étincelle du Feu divin qui soutient l’évolution individuelle sur terre, et que l’être psychique est l’âme dont la conscience se développe, ou plutôt dont la manifestation devient de plus en plus consciente de vie en vie, et dont le mental, le vital et le corps sont les instruments, jusqu’à ce que tout soit prêt pour l’union avec le Divin. Je ne vois pas ce que je peux ajouter à cela.

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Pourousha en Prakriti est le Kshara Pourousha; en arrière de lui se tient l’Akshara Pourousha.
Le sentiment de l’ego et le Pourousha sont deux choses entièrement différentes: le sentiment de l’ego est un mécanisme de Prakriti, le Pourousha est l’être conscient.
L’être psychique évolue, il n’est donc pas l’immuable.
L’être psychique, en particulier, est l’âme de l’individu qui élabore, dans la manifestation, la Prakriti individuelle et qui prend part à l’évolution. C’est cette étincelle du Feu divin qui croît derrière le mental, le vital et le physique sous forme d’être psychique, jusqu’à ce que celui-ci soit capable de transformer la Prakriti de l’ignorance en une Prakriti de connaissance. Ce n’est pas dans la Guîtâ, mais nous ne pouvons pas limiter notre connaissance aux points qui sont dans la Guîtâ.

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Non, le moi intuitif est tout à fait différent ­ ou plutôt la conscience intuitive qui est quelque part au-dessus du mental. Le psychique se tient derrière l’être; une dévotion simple et sincère au Divin, un sentiment immédiat et sincère de ce qui est juste et aide à parvenir à la Vérité et au Divin, un recul instinctif devant tout ce qui s’y oppose sont ses caractéristiques les plus visibles.

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Il faut faire une distinction entre l’âme dans son essence et l’être psychique. À l’arrière-plan, chacun a une âme qui est l’étincelle du Divin; nul ne pourrait exister sans elle. Mais il est tout à fait possible qu’un être vital et physique soit soutenu par l’essence d’une âme, sans qu’il ait derrière lui un être psychique clairement évolué.
Il existe, en fait, un être intérieur composé du mental intérieur, du vital intérieur, du physique intérieur, mais ce n’est pas l’être psychique. Le psychique est l’être le plus intérieur de tous, tout à fait distinct de ceux-là. Le mot psychique est utilisé en anglais pour qualifier tout ce qui est différent du mental extérieur, de la vie et du corps ou plus profond qu’eux; parfois il désigne tout ce qui est occulte ou supraphysique; mais cet usage introduit la confusion et l’erreur et nous devons l’écarter presque entièrement.
L’être psychique est voilé par les mouvements de surface; il s’exprime de son mieux au moyen des trois instruments extérieurs qui sont régis davantage par les forces extérieures que par l’être intérieur ou l’entité psychique. Mais cela ne signifie pas qu’ils soient entièrement coupés de l’âme. L’âme est dans le corps de la même manière que le mental ou le vital; mais le corps n’est pas seulement ce corps physique grossier, il est aussi le corps subtil. Quand le corps grossier tombe, les enveloppes vitale et mentale du corps subsistent en tant que véhicules de l’âme jusqu’à ce qu’elles aussi se dissolvent.
L’âme d’une plante ou d’un animal n’est pas latente: simplement, ses moyens d’expression sont moins développés que ceux d’un être humain. Il y a beaucoup de psychique dans une plante, beaucoup de psychique dans l’animal. Dans la forme de la plante, seuls les éléments physico-vitaux sont évolués; la conscience, derrière la forme de la plante, ne dispose pas d’une mentalité développée ou organisée pour s’exprimer. L’animal fait un pas de plus; il a un mental-vital et peut, dans une certaine mesure, s’exprimer, mais sa conscience est limitée, sa mentalité est limitée, ses expériences sont limitées; en outre l’essence psychique projette, pour se représenter, une conscience et une expérience moins développées qu’elle ne peut le faire en l’homme. Malgré tout, les animaux ont une âme et répondent très volontiers au psychique en l’homme.
Le “fantôme” d’un homme n’est évidemment pas son âme. C’est soit l’homme qui apparaît dans son corps vital, soit un fragment de sa structure vitale dont une force ou un être du monde vital se saisit à ses propres fins. Car normalement, après la dissolution du corps physique, l’être vital et sa personnalité ne subsistent que quelque temps; ensuite, l’être vital passe dans le plan vital où il demeure jusqu’à ce que l’enveloppe vitale soit dissoute. Puis on passe dans l’enveloppe mentale vers un monde mental; mais finalement l’âme quitte aussi son enveloppe mentale et va vers son lieu de repos. Si le mental est fortement développé l’être mental peut subsister; de même pour un vital fortement développé, à condition qu’ils soient organisés et groupés autour du véritable être psychique; ils peuvent alors partager l’immortalité du psychique. Mais ordinairement cela n’arrive pas; il y a une dissolution des parties mentales et vitales comme des parties physiques et l’âme, en renaissant, revêt un nouveau mental, une nouvelle vie et un nouveau corps, et non, comme on le suppose souvent, une réplique de son ancienne nature. Une telle répétition n’aurait ni sens ni utilité et irait à l’encontre des fins de la renaissance, dont le but est un progrès de la nature par l’expérience, une croissance de l’âme évoluant dans la nature vers la découverte de soi. En même temps, l’âme conserve l’empreinte de ce qui était essentiel dans ses vies et ses personnalités passées; la nouvelle vie et la nouvelle personnalité sont un équilibre entre ce passé et les besoins de l’âme pour l’avenir.

P.S. Dans certains cas, l’être extérieur renaît rapidement en conservant l’ancienne personnalité et même le souvenir de sa vie passée, mais cela est exceptionnel et se produit habituellement lorsqu’une mort prématurée entraîne un sentiment d’insatisfaction et une forte volonté du vital de continuer son expérience inachevée.

Excerpt from Part Three, Chapter 5

La vie ordinaire consiste à faire un travail dans un but personnel et pour satisfaire ses désirs sous une direction mentale ou morale, parfois influencée par un idéal mental. Le yoga de la Guîtâ consiste à offrir son travail en sacrifice au Divin, à conquérir le désir, à agir sans ego et sans désir, à avoir de la bhakti pour le Divin, à entrer dans la conscience cosmique, à sentir son unité avec toutes les créatures et à s’unir au Divin. Notre yoga y ajoute la descente de la Lumière et de la Force supramentales (ce qui est son but ultime) et la transformation de la nature.

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En général les hommes travaillent et vaquent à leurs affaires sous l’impulsion des mobiles ordinaires de l’être vital: nécessité, désir de la richesse, de la réussite, d’une situation en vue, du pouvoir ou de la renommée, ou encore besoin d’agir et plaisir de manifester ses capacités; ils réussissent ou échouent selon leurs possibilités, leur puissance de travail et la fortune, bonne ou mauvaise, qui est la conséquence de leur nature et de leur karma. Quand on entreprend le yoga et que l’on désire consacrer sa vie au Divin, ces mobiles ordinaires de l’être vital ne peuvent plus avoir leur pleine liberté d’action; ils doivent être remplacés par un autre mobile, principalement psychique et spirituel, qui permettra au sâdhak de travailler avec autant de force qu’auparavant non plus pour lui-même, mais pour le Divin. Si les mobiles ou la force ordinaires du vital ne peuvent plus agir en toute liberté et ne sont pourtant pas remplacés par autre chose, l’élan, la force apportés dans le travail peuvent décliner ou le pouvoir de s’assurer la réussite disparaître. Si le sâdhak est sincère cette difficulté ne peut être que temporaire, mais il doit déceler le défaut dans sa conscience ou dans son attitude et l’éliminer. Alors le Pouvoir divin lui-même agira par l’intermédiaire du sâdhak et utilisera ses capacités et sa force vitale à ses propres fins. Dans votre cas, c’est l’être psychique et une partie du mental qui vous ont attiré vers le yoga et y étaient prédisposés. Mais la nature vitale, au moins en grande partie, ne s’est pas encore alignée sur le mouvement psychique. La consécration pleine et entière de la nature vitale n’est pas encore venue.
Les signes de cette consécration du vital dans l’action sont entre autres les suivants:
Le sentiment (pas seulement l’idée ou l’aspiration) que toute la vie et tout le travail appartiennent à la Mère et une joie puissante de la nature vitale dans cette consécration et ce don de soi. Un calme contentement et la disparition de l’attachement égoïste au travail et aux satisfactions personnelles qu’il procure, mais en même temps une grande joie dans le travail et dans l’usage des capacités à des fins divines.
Le sentiment que la Force divine agit à l’arrière-plan et guide les actes à tout moment.
Une foi tenace qu’aucune circonstance, aucun événement ne peut entamer. Si des difficultés se présentent, elles font naître non des doutes dans le mental ou une acceptation inerte, mais la ferme conviction que si la consécration est sincère, la Shakti divine éliminera les difficultés; cette conviction s’accompagne d’un recours plus fréquent à la Shakti et d’une confiance plus complète en elle à cette fin. Quand la foi et la consécration sont totales, une réceptivité à la Force vient aussi qui vous fait accomplir l’action juste et adopter les moyens justes; alors les circonstances s’adaptent et le résultat apparaît.
Pour parvenir à cet état, l’important est une aspiration, un appel et une offrande de soi persévérants et une volonté de rejeter tout ce qui, en soi et autour de soi, obstrue le chemin. Des difficultés, il y en aura toujours au début et aussi longtemps que ce sera nécessaire au changement; mais elles ne pourront manquer de disparaître si l’on y oppose une foi, une volonté et une patience stables.
C’est dans le karmayoga ordinaire que le sâdhak choisit lui-même son travail et l’offre au Divin; le travail lui est donné dans le sens où il est amené à le choisir par une impulsion de son mental, de son coeur ou de son vital derrière laquelle il sent un pouvoir cosmique ou le Pouvoir cosmique; il essaie alors de s’entraîner à voir à l’arrière-plan de toutes les actions la Force unique qui élabore en lui et dans les autres le Dessein cosmique.
Dès qu’il a pour idéal de se donner directement au Divin, il doit trouver ce qui le fera mouvoir ou le guidera directement; c’est pourquoi il rejette tout ce qu’il identifie comme des impulsions purement mentales, vitales ou physiques issues de sa propre nature ou de la Nature universelle. Bien entendu ce don de soi ne prend tout son sens que lorsque le sâdhak est prêt.

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Je ne crois pas pouvoir vous donner un conseil sur la voie que vous avez choisie; il m’est en tout cas difficile de dire quoi que ce soit de définitif sans connaître davantage de faits précis que n’en contient votre lettre.
Vous n ‘avez pas besoin de changer le mode de vie et de travail que vous avez choisi tant que vous sentez qu’il est la voie de votre nature (swabhâva), qu’il vous est dicté par votre être intérieur ou que, pour une raison ou pour une autre, vous le considérez comme votre vrai dharma. Ce sont les trois signes; à part cela je ne sais pas si l’on peut fixer une ligne de conduite, prescrire un mode de travail ou un mode de vie pour pratiquer le yoga de la Guîtâ. Le plus important, c’est l’esprit ou la conscience qui préside au travail; la forme extérieure peut varier grandement selon les différentes natures. Il en est ainsi tant que l’on n’a pas l’expérience constante du Pouvoir divin qui se charge de nos Oeuvres et les accomplit; ensuite c’est le Pouvoir qui détermine ce qui doit ou ne doit pas être fait.
Surmonter tous les attachements est nécessairement difficile et ne peut être que le fruit d’une longue sâdhanâ, à moins d’une croissance générale rapide dans l’expérience spirituelle intérieure qui est la substance même de l’enseignement de la Guîtâ. La cessation du désir des profits tirés du travail et de l’attachement au travail lui-même, la croissance de l’égalité à l’égard de tous les êtres, de tous les événements, de la bonne et de la mauvaise réputation, de la louange et du blâme, de la bonne et de la mauvaise fortune, l’abandon de l’ego qui sont nécessaires pour perdre tous les attachements, ne peuvent être complets que lorsque le travail tout entier devient un sacrifice spontané au Divin, lorsque le coeur Lui est offert et que l’expérience du Divin en toutes choses et en tous les êtres est devenue stable. Cette conscience ou cette expérience doit venir dans toutes les parties et tous les mouvements de l’être, sarvabhâvéna, pas seulement dans le mental et l’idée; tous les attachements disparaissent alors aisément. Je parle de la voie du yoga de la Guîtâ, car dans la vie ascétique on atteint le même but par une voie différente, en se séparant de tous les objets d’attachement, d’où une atrophie de l’attachement lui-même par le rejet et la désuétude.

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Tout ce que je puis lui suggérer est de pratiquer une forme de karmayoga en se souvenant du Suprême dans toutes ses actions, des plus petites aux plus grandes, en les accomplissant avec un mental tranquille sans aucun sens de l’ego ni aucun attachement, et en les Lui offrant en sacrifice. Il peut aussi s’essayer ou aspirer à sentir la présence de la divine Shakti derrière le monde et ses forces, à distinguer entre la nature inférieure de l’ignorance et la nature divine supérieure dont le caractère est un calme, une paix, un pouvoir, une Lumière et une Béatitude absolus, et aspirer à être soulevé et mené peu à peu de la nature inférieure à la nature supérieure.
S’il est capable de cet effort, il deviendra, au bout d’un certain temps, apte à se consacrer au Divin et à mener une vie tout à fait spirituelle.

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La voie qui, pour lui, semble naturelle est le karmayoga et il a par conséquent raison d’essayer de vivre selon l’enseignement de la Guîtâ; car la Guitâ est le grand guide sur ce chemin. Avant d’aborder cette voie, on s’y prépare en se purifiant des mouvements égoïstes et du désir personnel et en suivant fidèlement la meilleure lumière dont on dispose; dans la mesure où il a suivi ces préceptes, il était sur le bon chemin; on ne doit cependant pas considérer qu’il est égoïste de demander la force et la lumière dans l’action, car elles sont nécessaires au développement intérieur.
Il est clair qu’une sâdhanâ plus systématique et plus intensive est désirable; en tout cas, une aspiration soutenue et une attention plus constamment fixée sur le but central pourraient établir en lui un détachement stable, même au milieu des événements et des activités extérieures, ainsi qu’une direction intérieure constante. La perfection, la siddhi de cette voie de yoga ­ je parle du sentier particulier du karma ou action spirituelle ­ commence lorsqu’on est lumineusement conscient du Guide et de sa Direction et lorsqu’on sent travailler le Pouvoir dont on est soi-même un instrument et un collaborateur dans l’oeuvre divine.

Excerpt from Part Five, Chapter 1

Les réalisations fondamentales de notre yoga sont:

  1. La transformation psychique, afin qu’une dévotion complète devienne le mobile principal du coeur et régisse la pensée, la vie et l’action, en union constante avec la Mère et en sa Présence.
  2. La descente de la Paix, du Pouvoir, de la Lumière, etc., de la Conscience supérieure, d’abord dans la tête et le coeur, puis dans l’être tout entier, emplissant jusqu’aux cellules du corps.
  3. La perception de l’Un et du Divin infiniment partout, de la Mère partout, et le fait de vivre dans cette conscience infinie.

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La réalisation doit, vous le savez, se fonder sur trois mouvements:

  1. l’ascension de la conscience jusqu’à une position au-dessus du mental et l’ouverture de la conscience cosmique;
  2. l’ouverture psychique, et
  3. la descente de la conscience supérieure et de sa paix, de sa lumière, de sa force, de sa connaissance, de son Ânanda, etc. dans tous les plans de l’être jusqu’au physique le plus matériel.

Tout cela doit se faire par l’action de la Force de la Mère, soutenue par votre aspiration, votre dévotion et votre consécration.
Tel est le Sentier. Quant aux autres questions, elles se régleront sous l’effet de ces réalisations et pour cela, vous devez avoir foi en l’action de la Mère.

* * *

Lorsqu’on parle de l’étincelle divine, on considère l’âme comme une parcelle du Divin descendue dans la manifestation, plutôt que comme un élément qui se serait séparé du cosmos. C’est la nature qui s’est formée en émergeant des forces cosmiques: le mental est sorti du mental cosmique, la vie de la vie cosmique, le corps de la Matière cosmique.
L’âme accède à trois réalisations: (1) la réalisation de l’être psychique et de la conscience psychique qui constituent l’élément divin dans l’évolution; (2) la réalisation du Moi cosmique qui est un en tous; (3) la réalisation du Divin suprême, d’où sont venus à la fois l’individu et le cosmos, et de l’être individuel (Jîvâtman) comme parcelle éternelle du Divin.

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Le physique est évidemment la base; celle du surmental se situe entre les deux hémisphères. L’hémisphère inférieur contient nécessairement tout le mental, y compris ses plans supérieurs, ainsi que le vital et le physique. L’hémisphère supérieur contient l’ Existence-Conscience-Béatitude divine qui trouve sa formulation dans le supramental. Le surmental est situé au sommet de l’hémisphère inférieur; il est le plan intermédiaire ou plan de transition entre les deux.
L’être psychique se tient derrière le coeur et soutient le mental, la vie et le corps. Dans la transformation psychique, il y a trois éléments principaux: (1) l’ouverture du mental intérieur occulte, du vital intérieur occulte, du physique intérieur occulte, si bien que l’on devient conscient de ce qui s’étend derrière le mental, la vie et le corps de surface; (2) l’ouverture de l’être psychique ou âme qui vient ainsi en avant et gouverne le mental, la vie et le corps en les orientant tous vers le Divin; (3) l’ouverture de tout l’être inférieur à la vérité spirituelle: ce dernier stade de la transformation peut être qualifié de psycho-spirituel. La transformation psychique peut fort bien faire passer l’être de l’individuel au cosmique. Même l’ouverture occulte établit un lien avec le mental, le vital et le physique cosmiques. Le psychique réalise le contact avec l’existence du Tout, l’unité du Moi, l’amour universel et les autres réalisations qui conduisent à la conscience cosmique.
Mais tout cela résulte de l’ouverture au plan spirituel situé au-dessus et vient par une infiltration ou un reflet de la lumière et de la vérité spirituelles dans le mental, la vie et le corps. La transformation spirituelle proprement dite commence ou devient possible lorsqu’on s’élève au-dessus du mental et que l’on vit là, en gouvernant tout d’en haut. Même dans la transformation psychique on peut s’élever au-dessus, par une sorte d’ascension de l’être mental, vital et physique et son retour, mais on ne vit pas encore au-dessus, dans la conscience la plus élevée où résident le surmental et les autres plans qui se trouvent au-dessus du mental humain.
La transformation supramentale ne pourra venir que lorsque le couvercle entre les hémisphères inférieur et supérieur de l’existence sera retiré et que le supramental, et non le surmental, deviendra le pouvoir directeur de l’existence… mais rien ne peut être dit à ce sujet pour le moment.

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La transmutation psychique de l’être et sa spiritualisation sont deux choses différentes. La transformation spirituelle est celle qui descend d’en haut, la transformation psychique est celle qui vient du dedans, par la domination du psychique sur le mental, le vital et le physique.

* * *

La transmutation psychique de l’être transforme la nature inférieure en apportant au mental une vision juste, au vital des impulsions et des sentiments justes, au physique des mouvements et des habitudes justes ­ tous orientés vers le Divin, tous fondés sur l’amour, l’adoration, la bhakti; elle leur fait enfin voir et sentir que la Mère est présente partout et en tous, et non seulement dans le coeur, que sa Force est à l’oeuvre dans l’être; elle apporte au mental, au vital et au physique la foi, la consécration et la soumission.
La transformation spirituelle est la descente et la stabilisation de la paix, de la lumière, de la connaissance, du pouvoir, de la béatitude d’en haut; c’est aussi la perception du Moi, du Divin et d’une conscience cosmique supérieure en lesquels se transforme la totalité de la conscience.

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Ces sentiments sont tous deux justes: ils indiquent les deux nécessités de la sâdhanâ. L’un consiste à aller au-dedans et à établir pleinement le contact entre l’être psychique et la nature extérieure. Par l’autre on s’ouvre vers le haut à la Paix, la Force, la Lumière, l’Ânanda divins au-dessus, on s’y élève et on les fait descendre dans la nature et le corps. Aucun de ces deux mouvements, le psychique et le spirituel, n’est complet sans l’autre. Sans la montée et la descente spirituelles, la transformation spirituelle de la nature ne peut pas se produire; sans l’ouverture psychique totale et le contact psychique total, la transformation ne peut pas être complète.
Les deux mouvements ne sont pas incompatibles; certains sâdhak commencent par le psychique, d’autres par le spirituel, d’autres encore poursuivent les deux à la fois. La meilleure manière est d’aspirer aux deux et de laisser la Force de la Mère agir selon les besoins et la tendance de la nature.

* * *

Si le développement d’une conscience supérieure n’apportait rien dont le mental n’ait déjà eu connaissance auparavant, il ne servirait pas à grand-chose. L’unification du psychique avec les forces et les activités de la conscience supérieure est tôt ou tard indispensable à la sâdhanâ.

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La transformation psychique est la première des deux transformations nécessaires; si vous avez la transformation psychique, la seconde ­ c’est-à-dire la transformation de la conscience humaine ordinaire en conscience spirituelle supérieure ­ en est grandement facilitée; autrement, votre voyage risque d’être lent et ennuyeux, ou exaltant mais plein de périls…
Je n’ai jamais parlé d’une “transformation du psychique”; dans tout ce que j’ai écrit, il était question d’une “transformation psychique” de la nature, ce qui est tout différent. Je l’ai parfois qualifiée de transmutation psychique de la nature. Le psychique participe à l’évolution, il fait partie de la nature de l’homme: c’est sa partie divine; par conséquent, une transmutation psychique ne portera pas l’être au-delà du stade d’évolution actuel, mais elle le préparera à réagir positivement à tout ce qui vient du Divin ou de la Nature supérieure et le fermera à l’Asoura, au Râkshasa, au Pishâtcha ou à l’Animal dans l’être, ou encore à toute résistance de la nature inférieure qui s’oppose à la transformation divine.

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